L’année 2024 a été marquée par l’attente d’une éventuelle fin de l’inflation. En effet, la deuxième moitié de 2023 laissait présager une inversion de la tendance haussière des prix, ce que 2024 semble confirmer. Par ailleurs, d’autres tendances de la grande distribution se poursuivent, notamment l’essor de l’intelligence artificielle et les initiatives en faveur du développement durable.
Comme à la fin de chaque année, budgetbox a sélectionné les informations et tendances incontournables de 2024. Voici les 6 faits marquants de l’année 2024 dans le secteur de la grande distribution.
1 – Vers une déflation et une baisse des volumes
Comme mentionné précédemment, la courbe de l’inflation avait commencé à s’inverser. En novembre 2023, l’inflation cumulée sur deux ans atteignait 21,1 %, contre 8,2 % sur un an, selon Circana.
Cette année, l’inflation cumulée en PGC-FLS est de 7,3 % sur deux ans et de -0,8 % sur un an, toujours selon Circana. Novembre marque ainsi le septième mois consécutif de baisse des prix. La déflation est donc bel et bien une réalité en 2024. Selon Circana, cela se répercute sur les chiffres du marché puisque les volumes PGC-FLS ont continué de baisser (-1,1 %) en janvier et août 2024. Quant au chiffre d’affaires, il n’a pas bougé (0 %) sur la même période.
Avec la fin de l’inflation, une baisse de la croissance du chiffre d’affaires en valeur est attendue. Cependant, les volumes ne devraient pas repartir à la hausse immédiatement, en raison du décalage entre le début de la déflation et sa perception par le grand public. Malgré une baisse de -1,6 % du prix moyen du panier en novembre, les consommateurs continueront à arbitrer leurs choix de consommation. Par ailleurs, les volumes PGC-FLS sont en recul depuis six semestres consécutifs.
2 – L’e-commerce alimentaire en 2024 : une croissance solide et un potentiel en expansion
De manière générale, la consommation continue de se digitaliser en 2024, révélant encore un fort potentiel. L’e-commerce (Drive voiture, Drive piéton et livraison à domicile) est le seul circuit à afficher une croissance en volume, avec une hausse de 5,7 % selon Kantar.
Bien que ce circuit représente la plus petite part du chiffre d’affaires des PGC-FLS (8 %), il contribue largement à sa progression, représentant 74 % de la croissance totale. En atteignant 8 % du chiffre d’affaires global, l’e-commerce dépasse son précédent pic de 7,6 % enregistré au moment du COVID-19 (2021).
Au total, sur le segment alimentaire, l’e-commerce représente un marché de 22 milliards d’euros à mi-2024, soit une augmentation de 4 % par rapport à l’année dernière selon Circana. Il est donc clair que l’e-commerce a de beaux jours devant lui et ne peut être négligé, malgré sa place de dernier circuit en termes de part de marché dans la grande distribution.
Le consommateur omnicanal est plus fidèle aux enseignes
L’e-commerce alimentaire, tout comme le self-scanning, permet une communication personnalisée. De plus, les consommateurs omnicanaux se révèlent plus fidèles que les consommateurs « traditionnels ». Selon Kantar, les clients qui combinent magasin physique et boutique en ligne sont deux fois plus fidèles à une enseigne que ceux qui fréquentent exclusivement les magasins.
3 – La LAD a encore de belles promesses derrière elle
La livraison à domicile (LAD) a connu, il y a quelques années, un renouveau avec l’essor du quick commerce. Cependant, ce phénomène a été de courte durée et semble déjà lointain aux yeux du marché. Pourtant, la livraison ne manque pas d’ambition pour se réinventer, et tous les acteurs continuent de s’engager pour la livraison.
Cela dit, la livraison à domicile poursuit une croissance lente mais régulière depuis plusieurs années. En valeur, sa progression dépasse même celle du drive, selon Kantar : une hausse de 13,6 % en août contre 10,3 %. Toutefois, ces chiffres doivent être nuancés en tenant compte de leurs parts de marché respectives, avec 1,1 % pour la LAD contre 8,9 % pour le drive.
La tournée de camion continue de tracer sa route
Cette croissance s’explique à la fois par l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché et par les innovations des enseignes existantes. Un exemple marquant est le concept de la tournée en camion, qui connaît un regain d’intérêt.
Bien que cette idée ne soit pas nouvelle, les laitiers l’utilisaient autrefois, elle revient en force grâce à des initiatives comme celles de Picniq et Paprika (racheté par Auchan). De plus, les enseignes traditionnelles adoptent ce modèle, car elles y voient une opportunité de se rapprocher des zones rurales. On peut notamment citer Leclerc, Auchan, et Casino.
Enfin, certaines entreprises intègrent à ce concept le principe de la consigne, comme c’est le cas des start-ups La Tournée et Le Fourgon, qui misent sur des solutions écologiques et innovantes.
La livraison express : l’alternative au quick commerce ?
Le quick commerce avait suscité de grandes attentes chez les consommateurs, avec la promesse de courses de dépannage livrées en moins de 30 minutes, mais la rentabilité n’était pas au rendez-vous. Uber Eats, Deliveroo, et d’autres tentent de faire mieux en se concentrant uniquement sur la livraison, laissant le stockage, la préparation des commandes, etc., aux acteurs historiques de la grande distribution.
Bien que ce modèle existe depuis 2020, la livraison express fait ses preuves et continue de se développer avec de nombreux partenariats :
- Uber Eats, déjà en partenariat avec Carrefour, a signé un accord exclusif avec Picard Surgelés en début d’année.
- Deliveroo s’est associé à Jow et Carrefour pour livrer en 30 minutes les ingrédients d’une recette choisie sur Jow, afin que le client puisse cuisiner directement.
4 – L’anti-gaspi, une opportunité de manger sain pour pas cher
Avec l’inflation récente, le phénomène de l’anti-gaspillage prend de l’ampleur. La proposition de produits sains à des prix abordables a séduit de nombreux consommateurs, au point que de nouveaux acteurs se sont spécialisés dans ce domaine.L’anti-gasp
Si les applications comme Zéro-Gâchis, Phenix et TooGoodToGo existent depuis les années 2010, on constate l’émergence de boutiques physiques ou en ligne dédiées exclusivement aux produits anti-gaspillage. En effet, ces boutiques se distinguent des applications qui proposent des paniers de produits à dates de préremption proche. C’est le cas de BeneBono (fondé en 2020), qui livre chaque semaine des paniers de produits non conformes à la grande distribution, ou de Nous, Anti-Gaspi (créé en 2018), qui vend ces produits à la fois en magasin et en ligne.
Nous, Anti-Gaspi a même lancé sa propre marque distributeur, disponible dans d’autres enseignes. De plus, un label valorise les produits imparfaits mais encore consommables : Les Gueules Cassées.
5 – Acquisitions et réorganisations : les mouvements clés de la grande distribution en 2024
En 2024, la grande distribution a une nouvelle fois traversé une série de changements structurels. Amorcée fin 2023, la vente de 314 magasins Casino a marqué un tournant. Parmi ces magasins, 98 ont été repris par Auchan, 190 par Intermarché, dont 26 ont été revendues à Carrefour. Cette réorganisation a eu un impact significatif sur l’état du secteur de la grande distribution alimentaire. De plus, la cession de magasins à Intermarché a probablement contribué à la croissance du groupe.
Ce n’est pas la seule fois qu’Intermarché, Auchan et Casino ont conclu un accord cette année. Ils ont également mutualisé leur centrale d’achat avec Aura Retail. Annoncé en septembre 2024, cet accord vise à renforcer leur poids dans les négociations commerciales à venir. Enfin, Intermarché et les Mulliez (Auchan) ont récemment annoncé la mutualisation de leurs données clients. L’écosystème Mulliez représentait déjà une source importante de renseignements sur ses clients avant cette initiative. Cependant, avec l’intégration du groupe Les Mousquetaires, qui affiche la plus forte croissance du marché cette année grâce à l’acquisition de magasins Casino, cette alliance pourrait bouleverser le marché du retail media. L’offre proposée devient potentiellement l’une des plus précieuses, compte tenu de l’ampleur et de la richesse des données unifiées disponibles.
6 – Loi egalim, Nutri-score… la grande distribution se transforme
La loi Egalim III, entrée en vigueur le 1er mars 2024, a étendu le plafond des promotions (34 % par produit et 25 % en volume) pour les promotions sur le DPH. Depuis son entrée en vigueur, Circana a observé une baisse de 8 % en valeur et de 7,2 % en volume pour le secteur. Par ailleurs, le taux de générosité des promotions a diminué de 19,1 points par rapport à l’année précédente.
Ensuite, nous avons évoqué l’an dernier les changements apportés au barème du Nutri-Score. Ce nouveau système d’évaluation a déplu à plusieurs marques, qui ont retiré le Nutri-Score de leurs produits en raison de la baisse de leur score. Toutefois, Carrefour a annoncé, dans le cadre de son initiative « Act for Good », qu’il rendrait le Nutri-Score obligatoire pour tous les produits présents dans ses rayons. Ce système est déjà en place pour ses marques de distributeur (MDD), mais l’enseigne souhaite désormais l’imposer également aux marques nationales. Alors que les négociations commerciales sont déjà en cours au moment de la publication de cet article, cette annonce risque de créer des tensions entre Carrefour et les marques qui ne se conformeront pas à cette exigence.
Enfin en 2024, la transition vers la fin des prospectus papier, encadrée par la loi AGEC, a franchi des étapes décisives. Plusieurs enseignes de grande distribution ont accéléré leur passage au numérique, réduisant l’utilisation du papier pour les promotions. Par exemple, les initiatives comme le « Oui Pub » ont permis d’expérimenter des alternatives ciblées, tandis qu’une étude menée par OpinionWay pour Bonial montrent qu’environ 70% des consommateurs préfèrent désormais consulter les offres en ligne, contre 50% en 2020. Les campagnes numériques se multiplient, avec un gain en efficacité mesurable : certaines enseignes ont enregistré une réduction de 30 % de leurs coûts de distribution liés aux prospectus traditionnels selon Harris interactive. Cependant, la suppression totale reste complexe, notamment en raison des disparités régionales et habitudes des consommateurs. Bien que le nombre de prospectus imprimés ait diminué de 15% par rapport à 2023, le déploiement numérique rencontre des freins dans les zones rurales où l’accès à Internet reste limité
En 2025, la loi prévoit un renforcement des sanctions à l’encontre des entreprises ne respectant pas les nouvelles normes, témoignant d’une volonté affirmée de poursuivre la transition vers une communication plus durable et ciblée.
Par ailleurs, un autre changement pourrait intervenir dès le 1er janvier 2025 : le retour au fonctionnement d’avant-COVID pour les tickets restaurant. En effet, la mesure exceptionnelle autorisant leur utilisation en magasin pour tous les produits alimentaires n’a pas été reconduite en raison de la motion de censure du gouvernement Barnier. Désormais, les tickets restaurant seront uniquement valables pour les produits consommables immédiatement (sandwichs, plats préparés, etc.).
Si cette décision satisfera probablement le secteur de la restauration, elle représentera indéniablement un manque à gagner pour la grande distribution.
Conclusion
En 2024, la grande distribution alimentaire a été marquée par une baisse continue de l’inflation, tandis que l’e-commerce et les solutions innovantes ont montré leur résilience face aux défis économiques. L’accent mis sur la durabilité, la lutte contre le gaspillage et la transparence des produits, témoigne de l’adaptation nécessaire pour répondre aux nouvelles attentes des consommateurs. Ces transformations préfigurent un secteur en pleine mutation, où la flexibilité et l’innovation seront clés pour l’avenir.